Exposition au froid, neuroinflammation et autoimmunité

Ça n’est pas tous les jours qu’un journal prestigieux comme Cell Metabolism publie sur l’exposition au froid. Alors savourons.

Le corps dépense constamment de l’énergie soit pour croitre ou se reproduire, soit pour se maintenir. Dans le dernier cas, on parle d’homéostasie : maintenir une température stable, un pH stable, se protéger des attaques pathogènes etc. Dans cette étude, les chercheurs se posent la question suivante : comment le corps établit-il une priorité concernant l’utilisation des ressources énergétiques ? Comment le corps « décide-t-il » de dépenser ses réserves d’énergie entre le maintien de sa température interne et son immunité ? Ainsi, les chercheurs ont voulu regarder lequel de ces deux procédés énergivores est prioritaire, entre la thermogenèse et l’autoimmunité, dont l’activité se caractérise par une inflammation chronique gourmande en énergie.

Pour cela, ils ont utilisé une lignée de souris de laboratoire pouvant déclencher une neuroinflammation similaire à la sclérose en plaque chez les humains. Ainsi, ils ont testé les réactions en induisant la neuroinflammation avec ou sans exposition au froid.

Les conclusions sont assez claires : il y a priorité de la themogénèse sur l’autoimmunité. En effet, les souris exposées au froid déclenchent les mécanismes de thermogenèse comme prévu et la neuroinflammation est bien moindre que sans exposition au froid. Le mécanisme physiologique est décortiqué et s’avère être une reprogrammation du système immunitaire. Cette dernière commence dans la moelle osseuse où sont produits les monocytes et va jusqu’à la modification des lymphocytes T qui ne s’attaquent plus au système nerveux central. Le mécanisme est complexe et dépasse mes compétences en immunologie, qui est un domaine très complexe.

Bien entendu il s’agit de résultats passionnants et, comme le disent les auteurs de l’étude, qui ouvrent des pistes sur le traitement de la sclérose en plaque. Ceci étant dit, il faut rappeler que l’on a ici affaire à de souris modifiées pour exprimer une neuroinflammation, et pas à des humains souffrant de la sclérose en plaque. De plus, le traitement consiste à faire vivre les souris par 10˚C au lieu de 21˚C pendant 2 semaines. Il est difficile d’imaginer un protocol équivalent et réaliste chez des malades, qui pourraient à la fois améliorer leurs symptômes tout en leur offrant un horizon meilleur que de vivre en sous-vêtements par 10˚C.

Les personnes qui lisent cette page connaissent mon intérêt pour l’exposition volontaire au froid et pour les bains de glace en particulier. It est donc important de souligner que cette étude ne teste pas l’exposition sévère/courte mais modérée/prolongée. Enfin, cette étude ouvre des pistes sur le traitement de l’inflammation autoimmune, pour calmer un système immunitaire en surchauffe. Mais elle ne dit pas ce qu’il peut en être chez des personnes en bonne santé. En effet, on peut imaginer que, si la thermogenèse est prioritaire sur le système immunitaire, l’exposition prolongée au froid pourrait « voler » des ressources énergétiques au système immunitaire. Ce cas de figure serait potentiellement négatif. En l’occurence, les auteurs citent deux études allant dans ce sens, à savoir que l’exposition prolongée au froid peut rendre plus sensibles aux infections virales et bactériennes. Donc, au final, il est important de garder la tête froide sur ce que ces recherches impliquent, tout en se réjouissant des avancées de la science sur la compréhension de la physiologie de l’exposition au froid, et de l’auto-immunité.

🔥❄️🧠✌️

Sébastien.

P.S. : À la fin de la discussion de l’étude, le choix de citer la papier Kox et al. 2014 est questionable. En effet, celui ne traite de l’exposition au froid que de façon assez indirect car il teste principalement les exercices respiratoires.