Si vous n’avez que 5 secondes :
Une dizaine de minutes d’immersion en eau froide et une heure de sauna par semaine, le tout réparti en 2 à 3 séances, peut améliorer votre métabolisme, votre thermorégulation et votre sommeil.
Sinon, pour aller plus loin…
La baignade hivernale est une activité comptant de nombreux adeptes dans les pays scandinaves, baltes ainsi qu’en Finlande. Cette pratique consiste à s’immerger pour de courtes périodes, de l’ordre d’une à quelques minutes, dans l’eau très froide d’un bassin artificiel, d’un lac ou de l’océan. En général, ces immersions sont associées à des séjours dans un sauna. Les amateurs de cette pratique, que nous appellerons les baigneurs hivernaux, disent le faire pour leur santé et la sagesse populaire voudrait qu’ils soient moins souvent malades. Nous n’ouvrirons pas dans ce billet de blog la question du froid et système immunitaire. Contentons-nous poser la question suivante : étant donné que les baigneurs hivernaux s’infligent un entraînement comportant froid et chaud extrêmes, peut-on faire l’hypothèse qu’ils régulent différemment leur chaleur interne en fonction de la température extérieure ? Autrement dit : ont-ils une thermorégulation plus efficace ? Quel serait l’impact d’une telle adaptation sur leur métabolisme ? Ce sont de telles questions qu’ont posé des chercheuses et des chercheurs basés au Danemark, avec en tête l’intérêt que peut avoir une telle pratique pour contrer la progression du syndrome métabolique – diabète, obésité, problèmes cardiovasculaires…- dans la population (Søberg et al., 2021). L’étude a consisté à mesurer la thermorégulation sur une petite cohorte, 7 baigneurs hivernaux et 8 témoins pour le groupe contrôle, homogènes en termes de sexe, âge, IMC et VO2max. Au moment de l’étude, les baigneurs hivernaux pratiquaient exposition au froid et séjour en sauna depuis au moins une saison, à raison de 2 à 3 fois par semaine.
Tout d’abord, un test de glycémie a montré une meilleure sensibilité à l’insuline pour les baigneurs hivernaux que chez le groupe témoin, tendant à confirmer des observations d’études antérieures. De plus, un test de stress visant à évaluer l’activation du système nerveux sympathique en réaction au froid – le test consistait à plonger la main dans de l’eau à 4˚C pendant 3 minutes – a montré une moindre activation chez les baigneurs hivernaux, et donc une présumée meilleure acclimatation au froid. Restait à confirmer une telle observation préliminaire lors d’un test d’exposition au froid général, en refroidissant l’ensemble du corps à l’aide de couvertures à température contrôlable.
Il est notamment ressorti de ces expériences que les baigneurs hivernaux semblent dissiper leur chaleur interne plus efficacement. En effet, leur température est plus élevée au niveau du sternum et en périphérie du corps que chez les sujets témoins. Cette thermorégulation serait une conséquence de l’utilisation régulière du sauna. Par ailleurs, lors du test de refroidissement corporel, les chercheurs ont observé que les baigneurs hivernaux produisaient plus de chaleur au niveau de la région supraclaviculaire que les personnes du groupe témoin. Cette observation peut être d’ailleurs corrélée avec une plus grande dépense énergétique des baigneurs hivernaux lors du refroidissement corporel. L’origine de cette chaleur supraclaviculaire pourrait bien se trouver dans l’activation de la graisse brune. Les tissus adipeux bruns, également appelés graisse brune, sont constituée d’adipocytes, des cellules riches en réserves lipidiques, dont l’activité restitue de l’énergie thermique au lieu d’énergie chimique (sous forme d’ATP) comme leurs homologues de la graisse blanche. Ensuite, les chercheurs ont montré, chez tous les sujets (baigneurs hivernaux et témoins), que la graisse brune au niveau du cou et du diaphragme était activée lors de l’exposition au froid. En revanche, à une température de confort, une activité résiduelle de la graisse brune est détectée chez les témoins mais totalement absente chez les baigneurs hivernaux. Ce phénomène peut être attribué à une différence de perception du seuil de température de confort par les immersions dans l’eau froide, ou à une température interne inférieure résultant des séjours dans le sauna.
La production de chaleur, notamment dans la région supraclaviculaire, ne provient pas exclusivement de l’activité de la graisse brune. En effet, la thermogénèse musculaire semble apporter sa pièce à l’édifice. En particulier, les muscles intercostaux peuvent générer de la chaleur, et cela a par ailleurs été observé chez les baigneurs hivernaux dans cette étude. On signalera ici que la thermogénèse musculaire intercostale avait été observée chez Wim Hof comme étant plus importante que la contribution de la graisse brune (Muzik et al., 2018). En plus de l’activité de la graisse brune et de la thermogénèse musculaire, la graisse blanche pourrait participer. Il semblerait que les baigneurs hivernaux présentent une utilisation des lipides différentes, comme le souligne l’expression génétique de marqueurs de la lipolyse dans la graisse blanche.
La dernière question que se sont posés les auteurs de l’étude concernait la régulation de la température corporelle. Celle-ci est certes relativement stable, autour de 37˚C, mais elle varie en fait légèrement. Elle baisse d’entre 0,5˚C et 1˚C pendant la nuit, selon un cycle diurne. Sur l’ensemble du cycle de 24 heures, les baigneurs hivernaux ont une température corporelle légèrement, mais significativement, inférieure au groupe contrôle. Une température interne plus basse pourrait favoriser un meilleur sommeil. Un taux de cortisol bas pendant la nuit est associé à un meilleur sommeil. Et précisément, le profil de cortisol des baigneurs est plus bas durant la nuit que celui des témoins. D’après les auteurs, il est possible que l’augmentation du cortisol en fin de nuit déclenche l’activation de la graisse brune avant le réveil, chez les baigneurs hivernaux, chez qui l’on observe une augmentation de la température supraclaviculaire avant le réveil. Le profil de l’interleukin-6 est également intéressant car il est associé à certaines phases du sommeil et il est différent chez les baigneurs hivernaux. On notera enfin qu’aucune différence entre les baigneurs hivernaux et le groupe contrôle n’a été décelé en termes de nombre de globules rouges ou blancs, alors que c’est un point régulièrement avancé sur les bienfaits du froid.
Comme toute étude scientifique, celle-ci a ses limitations. Les plus importantes sont le faible échantillonnage (7 sujets par groupe) composé uniquement d’hommes en bonne santé. Donc, il est difficile de savoir si l’on peut extrapoler à l’ensemble de la population. Parmi les questions délicates, on ne peut pas savoir à ce stade si les différences physiologiques observées sont le résultat de la pratique ou si des différences physiologiques prédisposent à une telle pratique. L’un des baigneurs hivernaux a été retiré de l’étude car il ne répondait pas au test d’activation de la graisse brune. Cela soulève la question de la thermorégulation indépendante de la graisse brune. En effet, avec un sujet sur sept ayant un tel profil, cela peut concerner au final beaucoup de monde. Et rappelons que la graisse brune semble jouer un rôle très modeste chez un célèbre amateur de l’exposition au froid, en l’occurrence Wim Hof (Muzik et al., 2018). Enfin, il convient d’insister sur le fait que les personnes étudiées, à savoir la baigneurs hivernaux, pratiquent l’immersion en eau froide et le sauna. Cela incite donc à la prudence avant d’extrapoler ces données pour des personnes ne pratiquant que l’une des deux activités.
Pour résumer brièvement, cette étude a montré que les baigneurs hivernaux ont tendance à plus dissiper leur chaleur corporelle et ont une température interne plus basse. Cela serait associé à une température de confort plus basse que la moyenne. De plus, ils génèrent plus de chaleur lorsqu’ils sont soumis au froid, étant ainsi plus efficace pour se réchauffer, en activant la thermogénèse du tissu adipeux brun et des muscles intercostaux. Enfin, des indices vont dans le sens d’une meilleure sensibilité à l’insuline et une amélioration de la qualité de sommeil. Les auteurs de l’étude concluent que cette pratique pourrait être intéressante comme soutien à la lutte contre l’obésité. Sur le plan pratique, cela consiste à mettre en place une dizaine de minutes d’immersion en eau froide et une heure de sauna par semaine, en 2 à 3 séances. Certes, cette étude ne prouve peut-être pas que la combinaison eau froide et sauna va guérir tous les maux de la Terre. Mais elle s’ajoute aux faisceaux d’indices désignant cette pratique simple comme bénéfique pour la santé.
🔥❄️🧠✌️
Sébastien.
Références :
Muzik O, Reilly KT, Diwadkar VA. « Brain over body »-A study on the willful regulation of autonomic function during cold exposure. Neuroimage. 2018 May 15;172:632-641. doi: 10.1016/j.neuroimage.2018.01.067. Epub 2018 Feb 10. PMID: 29438845.
Søberg S, Löfgren J, Philipsen FE, Jensen M, Hansen AE, Ahrens E, Nystrup KB, Nielsen RD, Sølling C, Wedell-Neergaard AS, Berntsen M, Loft A, Kjær A, Gerhart-Hines Z, Johannesen HH, Pedersen BK, Karstoft K, Scheele C. Altered brown fat thermoregulation and enhanced cold-induced thermogenesis in young, healthy, winter-swimming men. Cell Rep Med. 2021 Oct 11;2(10):100408. doi: 10.1016/j.xcrm.2021.100408. PMID: 34755128; PMCID: PMC8561167.
Sébastien Zappa, PhD
Maître Instructeur Oxygen AdvantageMoniteur REBO2T
Instructeur Méthode Wim Hof – niveau 2
Praticien ELDOA – niveau 2
Geek de la respiration et du froid, Homo cryopulmosapiens..
Heureux de vous coacher depuis 2018