Des idées reçues sur la Méthode Wim Hof

Une réponse à l’article de Loris Vitry sur la Méthode Wim Hof

Par Leonardo Pelagotti et Sébastien Zappa.

Avec supervision de M. Schlachet D.O., Directeur du CFPCO

D’après son site internet, Loris Vitry est un Yoga Thérapeute et coach en respiration. Il dit avoir « transformé la vie des milliers de personnes qu[‘il a] coaché à travers [ses] formations en ligne. » Il a également un avis sur la Méthode Wim Hof qu’il a publié sur son site internet. Jusqu’ici, rien d’anormal pour quelqu’un qui s’intéresse aux techniques respiratoires.

En revanche, cet avis est truffé d’affirmations douteuses, d’erreurs sur la Méthode Wim Hof, et d’approximations quand il ne s’agit pas d’erreurs scientifiques.

Leonardo et moi-même prenons donc la peine de lui répondre. Cette réponse n’est en aucun cas une attaque à la personne : nous ne le connaissons pas et sommes prêts à penser qu’il agit dans une intention positive, à savoir pour le bien-être des gens. Cette réponse n’est pas non plus une critique de sa méthode respiratoire. Nous ne la connaissons pas et, quand bien même cette méthode semble s’appuyer sur des explications scientifiques bancales, la méthode peut être néanmoins efficace.

Tout d’abord, Loris Vitry affirme avoir rencontré des « dizaines d’anciens pratiquants de la méthode Wim Hof, [qui] ont tous fait un burnout et ont aujourd’hui un système endocrinien détruit », mais encore « des dizaines de personnes qui s’étonnaient d’être devenu[s] asthmatique[s] après quelques mois de pratique de la méthode de respiration Wim Hof », et enfin « des gens qui ont développé des troubles cardiaques (palpitations), des crises d’angoisse, de l’apnée du sommeil [à cause de la Méthode Wim Hof]. »

Auteurs de cette réponse à Loris Vitry, nous sommes instructeurs certifiés de la Méthode Wim Hof. Nous sommes amenés à rencontrer des pratiquants de cette méthode et à former ces personnes. Leonardo pratique cette méthode depuis 4 années et a formé des milliers de personnes (dont des médecins, des professionnels de santé, des ostéopathes, des athlètes de haut niveau etc..). Sébastien pratique depuis 4 ans, enseigne depuis bientôt 2 ans et a formé environ 150 personnes. En outre, nous sommes en contact régulier avec la communauté des instructeurs, qui s’échange les informations et observations sur la pratique. Leonardo travaille directement avec Wim Hof pour former les nouveaux instructeurs avec l’Academy WHM Innerfire.

Malgré cela, nous n’avons jamais entendu parler de ces dizaines de pratiquants ayant subi de tels effets négatifs. Certes, les instructeurs ont sans doute tendance à voir surtout les personnes chez qui la méthode a un impact positif sur le long terme. Mais il semble difficile de ne pas avoir eu de retour de ces dizaines de cas problématiques. Et quand tous se plaignent par ailleurs au même coach, cela devient étrange. Il serait donc intéressant, si ces anciens pratiquants existent, de savoir comment ils pratiquaient la Méthode Wim Hof : l’ont-ils appris tout seul sur internet ou bien auprès d’un instructeur certifié ? Autrement dit, pratiquaient-ils réellement la Méthode Wim Hof ou bien un ersatz tel que celui décrit par l’article.

Nous y venons…

En effet, une confusion fondamentale faite par Loris Vitry concerne la différence entre Wim Hof, l’homme aux multiples exploits, et la Méthode Wim Hof, une approche santé/bien-être adaptée au plus grand nombre.

Certes, il n’est pas possible de dissocier totalement les deux. Mais tandis que Wim Hof a enchaîné de nombreux exploits personnels pour diverses raisons (personnelles, telles que se dépasser ; mais aussi attirer l’attention des scientifiques et permettant ainsi de donner une légitimité à ses expériences), la Méthode Wim Hof ne s’inscrit pas dans une telle démarche. C’est comme confondre le fait d’apprendre à faire du vélo et gagner le tour de France : le premier est nécessaire à la réalisation du second, mais il ne s’agit pas de la même chose. Le « phénomène Wim Hof » s’est effectivement propagé sur internet à coup de vidéos sensationnalistes : devenez un surhomme, devenez sans limite, etc… Des termes justement repris, de façon ironique on imagine, dans l’article. Mais la vérité est que, lors d’un stage de la Méthode Wim Hof, l’instructeur ne vous apprendra rien de tel.

Un conseil : si jamais vous rencontrez quelqu’un qui veut vous apprendre à faire du vélo en disant qu’il va vous faire gagner le Tour de France : fuyez !

L’un des premiers messages que Sébastien donne lors de ses stages est justement « aujourd’hui, je ne vais pas vous apprendre à devenir Wim Hof, mais je vais vous initier à la Méthode Wim Hof. » Pour réaliser les exploits de Wim Hof, il faut certes pratiquer la Méthode Wim Hof mais avec l’assiduité et les sacrifices d’un sportif de haut niveau qui maitrise totalement son corps et son mental. Au contraire, lors d’un stage de la Méthode Wim Hof, on cherche à explorer les limites de la zone de confort, mais pas celles de la sécurité.

L’article cite la Méthode Wim Hof comme un travail de la respiration et d’exposition au froid qui vous transforme en surhomme, en demi-dieu. Il oublie de préciser non seulement que ces exercices se réalisent de façon graduelle, non forcé et sans souci de performance, mais aussi que ces deux exercices correspondent aux deux premiers piliers de la méthode. En effet, le troisième concerne l’intention, l’engagement, le mental. Pratiquer seulement les deux premiers piliers n’est pas la Méthode Wim Hof.

Cette confusion de la part de Loris Vitry explique en grande partie l’avis négatif de l’auteur sur la Méthode Wim Hof.

Car les exercices de respiration et l’exposition au froid, s’ils sont pratiqués de façon imprudente (et sans la préparation mentale), sont effectivement très violents. Et pour peu que la personne les pratique mal et ce régulièrement, ou bien qu’elle soit à la base fatiguée, elle risque en effet de se fatiguer encore plus. Mais elle n’aura pas pratiqué la Méthode Wim Hof pour cela, seulement une approximation.

Outre l’impasse sur le troisième pilier de la méthode, il y a cette phrase troublante: « Certaines personnes regrettent fortement leurs expériences d’hyperventilation tout en se forçant à rester dans un bain glacé ». Elle semble indiquer que ces anciens pratiquants qu’il a recueillis et sauvés pratiquaient la technique respiratoire et l’exposition au froid en même temps… Or, une des règles fondamentales de la Méthode Wim Hof est justement qu’on ne mélange jamais ces deux pratiques.

Jamais !

C’est donc une approximation de la Méthode Wim Hof qui est décrite et critiquée par Loris Vitry. Comme on l’a vu plus haut, il ne cite que deux des trois piliers. Il dit par exemple que « Tous ces exploits incroyables [réalisés par Wim Hof] et hors normes sont attribués à sa méthode de respiration, sans oublier l’exposition au froid », mais c’est faux. Les trois piliers sont supposés être indissociables pour pouvoir parler de la Méthode Wim Hof. Dans l’étude de 2018, Brain over body, Wim Hof modifie son activité cérébrale et son métabolisme en entrant en état méditatif, sans pratiquer sa technique respiratoire. Ainsi, on voit à quel point le troisième pilier, non cité dans l’article, à savoir l’engagement/le mental/l’intention est crucial lors des exploits de Wim Hof.

Viennent ensuite les approximations et les erreurs sur la technique respiratoire de la Méthode Wim Hof.

Il nous dit que « Tout d’abord, vous commencez par de l’hyperventilation avec la bouche ouverte » et que « l’exercice Wim Hof consiste à inspirer énormément d’oxygène (hyperventilation) avec la bouche ouverte pendant plusieurs minutes. ». La pratique de la respiration bouche ouverte n’est pas une prescription de la Méthode Wim Hof. On peut respirer par la bouche ou par le nez pendant cette phase de respiration augmentée et sous-contrôle. Pour le résumer brièvement, le nez apportera plus de contrôle tandis que la bouche apportera plus d’intensité à l’exercice.  Or, le but recherché de cette phase de l’exercice est de jouer sur la zone de confort mais tout en gardant le contrôle de ce que l’on fait. Ainsi, le pratiquant est invité à explorer la technique par la respiration nasale, et l’utilisation de la bouche intervient seulement de façon secondaire, et surtout elle n’est pas un objectif en soi.

Plus loin, l’article nous parle d’une rétention poumons vides. Il s’agit également d’une imprécision. Aucune étape de cette séquence respiratoire ne se fait en vidant complétement les poumons. Les phases d’expiration sont toujours passives, permettant à la cage thoracique d’atteindre un volume par défaut d’environ 2/3 vide. Aucun effort n’est fourni lors de l’expiration, tandis qu’il faut fournir un effort pour vider les poumons. L’expiration est simplement déclenchée comme le conseille la pratique de la respiration Yogique (qui est utilisée par la technique de respiration Wim Hof).

Une confusion exposée par Loris Vitry concerne également le stress. Il indique à juste titre que la technique respiratoire de la Méthode Wim Hof génère une réaction physiologique de stress (cf. système nerveux sympathique, adrénaline). Cependant, il juge ce stress comme étant délétère et potentiellement associé à des burn-outs. On va y revenir.

Plus loin dans le texte, son propos devient incohérent car il nous propose sa méthode (qui, une fois encore, est peut-être très efficace) en disant qu’elle se fait sans stress, mais en utilisant une certaine dose de stress, et permettant de vivre sans stress. Donc on ne voit pas bien où il veut en venir.

Mais qu’en est-il du stress, et notamment dans la Méthode Wim Hof?

En fait, tous les stress ne se valent pas. Et notamment, il est important de faire la distinction entre le stress aigu et le stress chronique. Le premier peut vous sauver la vie, le second vous tue à petit feu. Le premier permet de déclencher une réaction de survie (« lutte ou fuite »). Le second consiste à en état de stress permettant, ce qui pour l’organisme consiste à produire en permanence des hormones de stress (adrénaline, noradrénaline, cortisol) sans raison objective. Les glandes surrénales, qui produisent ces hormones, finissent par s’épuiser et ne plus être capable de produire ces hormones en quantité suffisante. La fatigue chronique s’installe, le burn-out guette. Il existe plusieurs niveaux d’interprétation de la Méthode Wim Hof mais l’un d’eux consiste à voir cette pratique comme une approche de reprise de contrôle sur le système nerveux autonome.

En s’exposant à des stresseurs (technique respiratoire, exposition au froid etc..) avec le bon état esprit et sans forcer, on observe comment l’organisme entre en phase de stress aigu et on se conditionne pour reprendre le contrôle et se détendre (adaptation par la loi de l’hormèse). Ainsi, on s‘habitue graduellement à passer d’un mode (sympathique) à l’autre (parasympathique), et réciproquement. On ne peut pas vivre sans stress (à part peut-être dans un « flotation tank » avec de la nourriture en perfusion). Mais on se tue à stresser quand il ne faut pas. Donc l’idée est d’être le plus résilient possible en entraînant le système nerveux autonome à activer les branches « lutte ou fuite » ou « repos et réparation/digestion » en fonction de la situation environnante. D’ailleurs, lors d’une séance de respiration, il n’est en général pas question de stress extrême qui vous rendra surhumain. En fait, le travail tout en contrôle permet typiquement d’induire un état de stress physiologique induit tout en ayant un sentiment de relaxation (par le biais de la noradrénaline notamment).

Ceci étant dit, il faut garder en tête que cet aspect de la Méthode Wim Hof n’est pas totalement scientifiquement expliqué et les interprétations peuvent être délicates. Mais dans l’étude de PNAS 2014, il apparaît par exemple que la pratique de la séquence respiratoire induit une forte production d’adrénaline puis de noradrénaline; tandis que le niveau de cortisol se normalise plus rapidement que chez le groupe témoin. Cela tend à confirmer que la pratique de cette méthode permet bien d’être plus efficace pour passer d’un état à un autre.

Donc s’adapter avec flexibilité aux situations externes, sans les subir.

En fait, un passage du texte de l’article résume finalement très bien le fait que sa critique de la Méthode Wim Hof provient d’une méconnaissance totale de cette dernière. Le voici :

Loris Vitry : « Pour évoluer et repousser ses limites, il faut effectivement se placer dans une zone physiologique saine au stress. »

C’est exactement ce que propose la Méthode Wim Hof.

Loris Vitry : « Dit autrement, vous devez vous placer volontairement dans une zone d’inconfort (stress), mais sans JAMAIS dépasser votre limite, la ligne rouge, au risque de mourir. »

C’est exactement ce que propose la Méthode Wim Hof.

Loris Vitry : « La méthode Wim Hof explose carrément cette ligne rouge en repoussant vos limites au maximum. »

Faux.

Donc, comme on peut le voir, il semblerait même que Loris Vitry soit au final en accord avec la Méthode Wim Hof. C’est assez ironique mais on ne peut ainsi que lui souhaiter de se rendre à un stage avec un instructeur certifié et de se faire un avis plus précis. Il verra que les instructeurs certifiés ne sont pas des surhommes, des demi-dieux, des super guerriers, mais des gens normaux en recherche de bien-être, de meilleures performances, et que souvent… ils y parviennent !

Enfin, parmi les erreurs scientifiques, on notera les suivantes :

  • Il n’y a pas eu d’expériences consistant à injecter la bactérie E. coli dans des organismes humains (Wim Hof, ou des volontaires). Il y a eu en revanche injections d’une endotoxine, qui correspond à la paroi cellulaire de la bactérie E. coli. La différence est de taille : la bactérie E. coli est un organisme vivant et, accessoirement, un agent infectieux; tandis que sa paroi est un extrait cellulaire non-vivant, et donc non infectieux, mais qui est utilisé lors de ce type d’expériences pour déclencher et étudier une réaction inflammatoire (notamment de système immunitaire inné, réponse générique non spécifique).
  • On ne voit pas bien quelle est cette histoire de production de bicarbonate par les glandes surrénales, ni même cette histoire de bicarbonate qui est produit pour remplacer le CO2. Le bicarbonate dans le sang reflète l’homéostasie acide-base du sang. Il correspond à la majeure partie du CO2 issue de la respiratoire cellulaire, soit environ 75% du CO2 sanguin. L’oxydation aérobie du glucose dans les mitochondries produit de l’eau et du CO2, qui par l’anhydrase carbonique est dissout en acide carbonique, et lui-même se présente sous forme d’un équilibre bicarbonate – proton. Le CO2 est évacué par les poumons et par les reins. Peut-être Loris Vitry a-t-il confondu les reins et les glandes surrénales ?
  • On ne voit pas bien ce qu’est le « CO2 naturel », ni « l’oxydation du CO2 et du phosphore dans le système nerveux ».
  • On ne voit pas bien ce qu’est un organisme qui « ne carbure pas à l’adrénaline mais à l’ATP ». Tout organisme vivant utilise l’ATP pour ses fonctions cellulaires, notamment métabolique. L’adrénaline n’est pas une source d’énergie, mais une hormone qui, par exemple, mobilise glucose et acides gras dans le sang, permettant ainsi la production rapide…d’ATP.

Nous avons pris le temps de rédiger cet article pour aider les pratiquants de la respiration et de la méthode Wim Hof et répondre à leurs doutes suite à l’article de Loris Vitry. Nous ne voulons pas ici prouver l’efficacité d’une méthode plutôt que l’autre mais simplement arrêter de faire circuler de la fausse information.

Nous restons disponibles pour compléter cette réponse et article avec les éléments que vous pourriez apporter.

Sébastien Zappa, PhD

Maître Instructeur Oxygen Advantage
Moniteur REBO2T
Instructeur Méthode Wim Hof – niveau 2
Praticien ELDOA – niveau 2
Geek de la respiration et du froid, Homo cryopulmosapiens..

Heureux de vous coacher depuis 2018

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