Ces derniers mois, la situation de pandémie et ses conséquences (notamment concernant les mesures sanitaires et la médiatisation) ont amené beaucoup à échanger des messages où il est question de peur : certains ont peur, d’autres accusent les uns d’avoir peur, certains essayent de conjurer leur peur, d’autres exhortent les uns à ne pas céder à la peur, etc. Pendant environ deux mois, beaucoup de mes contacts sur les réseaux sociaux ont rivalisé d’inventivité pour dénoncer la présumée peur du voisin ou bien sa présumée absence de peur, et cela souvent avec la finesse d’esprit et la cordialité typiques des réseaux sociaux. La « peur » ou son absence est alors devenue un jugement moral binaire entre un camp des bons (représenté par les présumés peureux ou bien les téméraires, selon) et un camp des méchants (représenté par les autres). Au final, tout le monde semble avoir peur (du Covid-19 ou de Bill Gates/OMS/vaccins/État Profond/Big Pharma, au choix) et accuse l’autre d’avoir peur (de Bill Gates/OMS/vaccins/État Profond/Big Pharma ou du Covid-19, au choix).
Mais la peur est-elle forcément mauvaise ? Ne pourrait-il pas y avoir, à l’instar du stress, une « bonne » peur et une « mauvaise peur » ? Est-ce qu’avoir peur fait de quelqu’un une personne forcément méprisable ? La Méthode Wim Hof, mais aussi l’escalade et l’alpinisme, m’ont appris deux ou trois choses à ce sujet.
Une chose importante que l’escalade m’a appris est que la peur peut être de deux types : rationnelle ou irrationnelle. La peur se manifeste dans des situations inhabituelles, où la rupture du confort routinier nous amène à nous sentir en danger. C’est une situation perçue comme un risque pour sa santé, son intégrité voire sa vie. Or, passé le réflexe de peur, réaction inconsciente, l’analyse consciente et rationnelle permet d’évaluer si cette peur est rationnelle ou irrationnelle.
La première fois que l’on est suspendue à une corde, on pense que ça ne va pas aller, que l’on risque sa vie etc… Comprendre que l’on est attaché à une corde et un système d’assurage prévus à cet effet est le premier pas pour intégrer le fait qu’il n’y a pas de raisons d’avoir peur. Outre le matériel, on peut raisonner sur le fait que cette activité est pratiquée depuis longtemps par de nombreuses personnes et ne produit pas d’hécatombes. Au fil de la pratique, le réflexe de peur s’amenuise et, très vite, on se retrouve à chuter de plusieurs mètres, simplement pour tenter un mouvement. On a intégré que cette peur était irrationnelle.
Dans d’autres cas, la peur est effectivement rationnelle : imaginons la section d’une voie où il n’est pas possible d’être convenablement assuré, et où une chute est synonyme de blessure ou pire. Dans ce cas là, on doit évaluer les risques et décider d’avancer ou de rebrousser chemin. Si l’on décide d’avancer, d’affronter une réel danger, alors il est préférable de laisser la peur de côté et de suivre une stratégie adaptée en restant calme et concentré. Mais la peur ne disparaît pas, elle est simplement mise sous silence le temps d’agir. Dans les deux cas, le sentiment de peur est un avertissement. On peut facilement conclure par une évidence, à savoir qu’il n’est pas raisonnable de maintenir une peur irrationnelle ; mais qu’il est raisonnable d’accepter une peur rationnelle. La peur, réaction émotionnelle, devient conseillère dès lors qu’elle convoque la raison.
Que se passe-t-il lorsque l’on se présente pour la première fois devant un bain de glace ? Quelle émotion nous envahit la première fois que, quasi dénudé, on est face à tous ces glaçons et on a du mal à se projeter dedans ? He bien, même si on a certainement des sentiments d’excitation, de motivation, de confiance en soi (notamment grâce au travail de l’instructeur certifié Méthode Wim Hof qui vous a préparé 😉 ), il est classique d’éprouver une dose de peur. Plus ou moins importante. Et c’est normal. Même après avoir répété l’expérience pas mal de fois, et c’est ce qui est une des beautés de cette méthode mais c’est une autre histoire.
Toujours est-il que le processus mental face à l’expérience du bain de glace est assez semblable à ce qui a été décrit plus haut. Une réaction émotionnelle de peur face à une situation d’inconfort extrême, qui entre en dissonance avec le fait que cette pratique, même s’il est n’est pas commune, ne produit pas d’hécatombes tous les ans. Après le premier bain de glace, on a compris que rester 2 minutes dans ce bain ne nous a pas tué. La peur des bains suivant est alors clairement une peur irrationnelle. Lors des bains suivants, on est mieux armé pour réaliser le travail nécéssaire pour voir la peur se désintégrer. En ce qui me concerne, j’ai trouvé que la Méthode Wim Hof était un outil très efficace, non pas pour « ne plus avoir jamais peur, être sans limite, etc », mais justement pour identifier les peurs irrationnelles et les rendre silencieuses.
Cela m’amène à une autre point important que la Méthode Wim Hof m’a appris à propos de la peur : celle-ci est justement un travail sur la peur. La pratique notamment des deuxièmes et troisième piliers (exposition au froid, et travail mental) est un travail sur l’inconfort, les limites perçues et la vulnérabilité. Sur l’inconfort car on se met de façon volontaire dans une situation de stress, en l’occurence un froid extrême. Sur les limites perçues car il s’agit d’un travail mental permettant de gérer une situation que l’on aurait imaginé impossible avant de commencer à pratiquer. Sur la vulnérabilité car, même en « dépassant les limites perçues », on se projette dans une situation tellement inconfortable que la seule voie de sortie est d’accepter sa propre vulnérabilité et de laisser place au un certain lâcher-prise, afin de gérer la situation de manière appropriée. Or, l’acceptation de sa propre vulnérabilité et la peur sont des sentiments associés. En effet, si je n’éprouve jamais de peur, c’est que je pense être absolument invulnérable, ce qui est une illusion. En revanche, si j’ai conscience de ma vulnérabilité, j’ai raison d’avoir peur. Et là, je peux me demander si c’est une peur rationnelle ou irrationnelle.
Pour conclure, plutôt de se raconter des histoires en pensant que la peur est pour les faibles, il m’apparaît plus judicieux de reconnaître la peur comme une expérience humaine normale et, non seulement de l’accepter, mais d’en tirer des enseignements. Rester bloquer dans une peur irrationnelle est délétère. Reconnaître une peur rationnelle permet de mettre en place une stratégie d’échappement au danger, et permet d’avancer.
🔥❄️🧠✌️
Sébastien.
P. S. : Bien évidement, discerner une peur rationnelle d’une peur irrationnelle n’est pas toujours trivial… mais c’est une autre histoire.
Sébastien Zappa, PhD
Maître Instructeur Oxygen AdvantageMoniteur REBO2T
Instructeur Méthode Wim Hof – niveau 2
Praticien ELDOA – niveau 2
Geek de la respiration et du froid, Homo cryopulmosapiens..
Heureux de vous coacher depuis 2018
Merci pour cet article en périphérie des sujets sur la respiration et l’exposition au froid. Le sujet y trouve sa place avec une certaine harmonie et des exemples appropriés. Merci et inspirant.
Merci Tony pour ce retour. Je m’aventure rarement dans le domaine des « opinions » mais parfois, moi aussi, j’ai envie de mettre mon grain de sel 😉