Si vous n’avez que 5 secondes :
Outre de nombreux autres bienfaits sur le bien-être, rire entraîne les muscles de la chaîne respiratoire. Toutefois, chez les personnes souffrant de maladies respiratoires, les bénéfices du rire sont encore incertains.
Sinon, lisez la suite…
La sagesse populaire a mis en exergue le rire sous forme de multiples proverbes, dans toutes les cultures à travers monde. Dans le cadre d’un blog sur le mieux-être, ce proverbe irlandais me semble particulièrement à propos :
« Le rire et le sommeil, chacun en quantité suffisante, sont les meilleurs remèdes du monde. »
Ce proverbe résonne avec ce que Patrick McKeown, fondateur d’Oxygen Advantage, propose. En effet, il base son approche en mieux-être sur un sommeil et une respiration de qualité. Sans ces deux éléments fondateurs, les tentatives d’amélioration seront au mieux incomplètes, au pire impossibles.
Mais quel est donc le rapport entre les deux étages inférieurs de cette pyramide et ce proverbe ? Certes, le proverbe et Patrick sont tous les deux irlandais. Mais encore ? Le sommeil, c’est une évidence. Mais que vient faire le rire dans l’histoire ? Et non, on ne va pas parler de rire dans un pub autours d’une bière stout. En fait, on peut faire un lien en le rire et la respiration.
Les définitions du rire varient l’angle sous lequel elles l’abordent. Elles sont souvent focalisées sur la composante émotionnelle du rire. J’avoue avoir un faible pour celle de la version anglaise de Wikipedia car elle fait la part belle à l’anatomie :
« Le rire est une réaction physique consistant généralement en des contractions rythmiques, souvent audibles, du diaphragme et d’autres parties du système respiratoire. C’est une réponse à certains stimuli externes ou internes. » [2]
Comme vous l’aurez compris, elle place le rire comme un processus qui se manifeste principalement par le système respiratoire. Le rire est un donc sujet sérieux pour ce blog.
Quand le corps rit, les muscles respiratoires travaillent
L’aspect respiratoire du rire a fait l’objet de quelques études scientifiques, impliquant tant des acteurs de théâtre que des volontaires regardant des séquences humoristiques avec Roberto Benigni [3, 4]. Mais alors, que se passe-t-il quand on rigole ? Le stimulus peut venir de l’extérieur ou de l’intérieur, peut être d’ordre culturel (blague, humour) ou réflexe (chatouille). Une fois que le système nerveux a traité ce stimulus et déclenché en conséquence le processus du rire, ce dernier est caractérisé par une longue expiration abrupte, suivie de plusieurs petites expirations saccadées de durées variables [4]. Durant le rire, les saccades expiratoires durent en moyenne 3,7 ± 2,2 s, à une fréquence de 4,6 ± 1,1 Hz. Elles augmentent la pression au niveau de la trachée et sont coordonnées avec l’activité des muscles du larynx qui permettent la libération sonore du rire [5]. Les mouvements expiratoires aboutissent à une diminution de Volume Résiduel Fonctionnel de 1,55 ± 0,40 litres [4]. Cette diminution du volume est uniforme dans l’ensemble de la cage thoracique. Cela met en évidence l’action des muscles intercostaux internes qui agissent de concert avec les muscles expirateurs abdominaux. Les muscles abdominaux obliques externes sont d’ailleurs autant sollicités que lors de crunches (enroulements vertébraux), voire plus dans les cas des obliques internes [6]. Ces saccades abdominales sont autant d’événements comprimant les viscères abdominales vers le diaphragme. Ce dernier protège alors les structures intrathoraciques d’une compression trop intense en contrant la pression abdominale [4]. Cela indique une contraction excentrique du diaphragme. Il est cependant intéressant de noter que la diminution du Volume Résiduel Fonctionnel est moins importante que lors d’une expiration forcée et n’atteint jamais le Volume Résiduel. On notera que les saccades expiratoires sont suivies d’une profonde inspiration, et c’est donc a priori au tour du diaphragme d’être engagé de façon concentrique [5]. Outre le travail des muscles expirateurs, ce processus permet ainsi de renouveler l’air stagnant dans les poumons. Par ailleurs, le rire étant un processus essentiellement expiratoire, l’expiration est typiquement plus longue que l’inspiration. Ce ratio inspiration/expiration en faveur de l’expiration est d’ailleurs une caractéristique spécifique de la manifestation de la joie, par rapport aux autres émotions de base [3].
Enfin, puisque la fonction première du système respiratoire est d’assurer les échanges gazeux entre les milieux intérieur et extérieur, on signalera que l’approvisionnement en O2 n’est pas impacté lors du rire, malgré la subite augmentation de la demande énergétique due à l’effort et des possibles phases d’apnée [7].
Au final, ces études montrent que le rire est un moyen de mobiliser le système respiratoire. Quand on rit, la chaîne respiratoire travaille. Est-ce que ce travail pourrait être bénéfique pour traiter certains problèmes respiratoires ?
Le rire et les maladies respiratoires : résultats contrastés, données manquantes
La bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) est une maladie caractérisée par une obstruction des voies respiratoires aboutissant à une difficulté pour le corps à réaliser cette fonction élémentaire. Cela a pour conséquence de diminuer la qualité de vie, euphémisme médicale traduisible par « pourrir la vie ». Dans certains cas, la BPCO peut causer la mort. C’est la troisième cause de mortalité dans le monde d’après l’OMS, provoquant la mort de plus de 3 millions de morts par an [8]. Les victimes sont à 90% dans des pays à faibles revenus. Les causes principales connues sont la tabagie (active ou passive), la pollution de l’air, l’asthme et la prédisposition génétique [8]. Une caractéristique de la BPCO est un surgonflement des poumons, piégeant de l’air, l’empêchant d’être renouvelé et provoquant des problèmes d’échange gazeux [9]. S’en suit un aplatissement du diaphragme; le tout provoquant des difficultés à respirer [10]. Une équipe a testé si la répétition d’efforts expiratoires apportée par le rire pouvait diminuer le volume des poumons chez des malades. Cette petite étude (sur 19 malades, 10 personnes saines contrôles) a consisté à mesurer la capacité pulmonaire des sujets avant et dans les heures suivants un spectacle de clown, dépêché sur place pour l’occasion. Il est apparu que, dans l’ensemble, et malgré une grande variabilité dans la cohorte, le rire permet de diminuer le volume pulmonaire dans les deux heures qui suivent l’intervention. De plus, il est intéressant de noter que la diminution de volume pulmonaire observée résulte d’une diminution du volume résiduel. Cela correspond à un renouvellement de l’air piégé chez les personnes malades [10]. La diminution du volume résiduel suivi par son rétablissement permet de renouveler plus efficacement l’air dans les poumons. Une autre étude a en revanche conclu que le rire empirait le surgonflement des poumons chez les malades, sans pouvoir néanmoins conclure si cet effet était délétère sur le long terme ou simplement transitoire [11]. Enfin, Fukuoka et al n’ont pas vu d’amélioration des fonctions respiratoires des patients souffrants de BPCO par le yoga du rire mais leur étude n’a duré que 2 semaines [12]. Finalement, il semble important de prendre des précautions avec le rire comme soutien à la BPCO. En effet, les études sont plutôt au stade préliminaire et se contredisent trop pour permettre de conclure avec certitude sur les bénéfices du rire sur la BPCO. Il est possible que les effets dépendent à la fois de l’état de sévérité de BPCO et de l’intensité de l’intervention, depuis le sourire jusqu’à l’hilarité, en passant par le rire modéré, le rire explosif…
Le rire au-delà de la respiration
Ce billet ne se préoccupe que du volet respiratoire du rire, car c’est l’un des axes majeurs de ce blog. Mais je ne peux pas m’empêcher de signaler que le rire recèle de quantités d’autres bienfaits et intérêts. D’ailleurs, les études suscitées sont certes peu concluantes sur la santé pulmonaire, mais elles sont unanimes quant l’amélioration de la qualité de vie par le rire [10, 11, 12]. Ceci n’est pas étonnant. En effet, il y a quelque chose d’intuitivement évident dans l’affirmation « le rire améliore la qualité de vie ». Cela résonne avec l’adage populaire à travers le monde disant que « le rire est la meilleure des médecines ». En l’occurrence, des travaux ont montré les bienfaits sur rire sur le système vasculaire et la perception de la douleur [13]. En outre, au-delà de la pure physiologie, le rire a une composante sociale et on sait désormais qu’il n’est même pas le propre d’Homo sapiens ! [14]
En conclusion, il apparaît que le rire est un allié de la santé respiratoire, car il favorise le travail de la chaîne musculaire de la respiration. On ne peut donc que regretter qu’il ne soit pas plus pris au sérieux. Ceux qui me suivent à travers la Méthode Wim Hof ont probablement déjà entendu que mon 4ième pilier de la pratique était de « pratiquer sérieusement, mais sans se prendre trop au sérieux ». Mais alors, si le rire est un allié objectif du mieux-être, on a de sérieuses raisons de ne pas se prendre au sérieux. Sur ce, j’ai une pile de Carambar à potasser en vue de mes prochains ateliers.
🔥❄️🧠✌️
Sébastien.
Références
- https://oxygenadvantage.com/atomic-focus/
- https://en.wikipedia.org/wiki/Laughter
- Bloch S, Lemeignan M, Aguilera N. Specific respiratory patterns distinguish among human basic emotions. Int J Psychophysiol (1991)11(2):141-54
- Filippelli M, Pellegrino R, Iandelli I, Misuri G, Rodarte JR, Duranti R, Brusasco V, Scano G. Respiratory dynamics during laughter. J Appl Physiol (2001)90(4):1441-6
- Luschei ES, Ramig LO, Finnegan EM, Baker KK, Smith ME. Patterns of laryngeal electromyography and the activity of the respiratory system during spontaneous laughter. J Neurophysiol (2006)96(1):442-50
- Wagner H, Rehmes U, Kohle D, Puta C. Laughing: a demanding exercise for trunk muscles. J Mot Behav (2014)46(1):33-7
- Fry WF, Stoft PE. Mirth and Oxygen Saturation Levels of Peripheral Blood. Psychother Psychosom (1971)19(1-2):76–84
- https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/chronic-obstructive-pulmonary-disease-(copd)
- O’Donnell DE. Ventilatory limitations in chronic obstructive pulmonary disease. Med Sci Sports Exerc (2001)33(7 Suppl):S647-55
- Brutsche MH, Grossman P, Müller RE, Wiegand J, Pello, Baty F, Ruch W. Impact of laughter on air trapping in severe chronic obstructive lung disease. Int J Chron Obstruct Pulmon Dis (2008)3(1):185-92
- Lebowitz KR, Suh S, Diaz PT, Emery CF. Effects of humor and laughter on psychological functioning, quality of life, health status, and pulmonary functioning among patients with chronic obstructive pulmonary disease: a preliminary investigation. Heart Lung (2011)40(4):310-9
- Fukuoka A, Ueda M, Ariyama Y, Iwai K, Kunimatsu M, Yoshikawa M, Uyama H, Tomoda K, Kimura H. Effect of laughter yoga on pulmonary rehabilitation in patients with chronic obstructive pulmonary disease. J of Nara Med Assoc (2016)67(1,2,3):11-20
- https://www.health.harvard.edu/blog/laugh-and-be-thankful-its-good-for-the-heart-20101124839
- https://www.franceculture.fr/emissions/la-methode-scientifique/rire-c-est-du-serieux
Sébastien Zappa, PhD
Maître Instructeur Oxygen AdvantageMoniteur REBO2T
Instructeur Méthode Wim Hof – niveau 2
Praticien ELDOA – niveau 2
Geek de la respiration et du froid, Homo cryopulmosapiens..
Heureux de vous coacher depuis 2018