Méthode Wim Hof et inflammation : la respiration ? le froid ? les deux ?

Si vous n’avez que quelques secondes :

Il avait été montré que la pratique de la Méthode Wim Hof permet de diminuer une inflammation aigüe. Une nouvelle étude vient de paraître sur ce sujet. Non seulement, elle confirme les données précédentes, mais permet de comprendre que la technique respiratoire est la principale responsable de la diminution de l’inflammation. Associé à la technique respiratoire, l’entraînement à l’exposition au froid semble renforcer les effets de celle-ci. Mais pratiqué seul, il a peu d’effet sur l’inflammation. En revanche, l’entraînement à l’exposition volontaire au froid semble agir sur la sévérité des symptômes de type grippal.

Si vous avez quelques minutes, lisez la suite…

Une nouvelle étude concernant l’effet de la pratique de la Méthode Wim Hof (MWH) sur l’inflammation vient d’être publiée (Zwaag et al., 2022). Ces recherches ont été menées par l’équipe du Centre Universitaire Médical de Radboud qui avait déjà étudié cette question par le passé. Ainsi, cette étude constitue la suite logique de celles publiées en 2012 et 2014, sur l’intervention de la MWH dans le contexte d’une inflammation aigüe.

Au risque d’insister, je me permets de rappeler que le protocole testé, par injection d’endotoxine/LPS, permet d’étudier l’effet d’une intervention, en l’occurrence sur la pratique de la MWH sur l’inflammation aigüe. Ce protocole ne permet pas, à lui seul, de tirer des conclusions robustes sur le combat des infections. Pour plus d’info, je vous invite à lire un précédent billet de blog à ce sujet.

Revenons aux données scientifiques.

Dans les trois études (Kox et al., 2012; Kox et al., 2014; Zwaag et al., 2022), les scientifiques ont induit une inflammation aigüe chez les sujets par un protocole expérimental d’injection d’une endotoxine. Dans l’étude de 2012, le sujet était Wim Hof. Dans celle de 2014, il s’agissait d’une petite cohorte de jeunes hommes, entraînés par Wim Hof. Dans la dernière, les chercheurs ont pu étudier plusieurs petites cohortes entraînées selon différentes modalités, à savoir : en présence de Wim ou non, pratique de la respiration uniquement, de l’exposition au froid uniquement, ou les deux. L’objectif était donc de vérifier la reproductibilité des résultats de 2012 et 2014, tout en tentant de disséquer les effets des différents paramètres liés à cette pratique : la présence de Wim Hof est-elle nécessaire ou un instructeur qualifié permet-il d’obtenir le même résultat ? Quel(s) aspect(s) de la pratique (entre la respiration, exposition au froid, les deux) affecte(nt) l’inflammation aigüe des sujets ?

Qu’avait-on observé jusqu’à présent ?

Sur Wim Hof lui-même (2012) ou sur une petite cohorte (2014), les effets de la pratique de la MWH sur une inflammation aigüe ont été étudiés par injection d’endotoxine à des volontaires. Les sujets injectés pratiquaient la technique respiratoire 30 minutes avant l’injection et 1h30 après. Les chercheurs suivaient leur état : présence de symptômes de type grippal (maux de tête, nausée, mal de dos…) et marqueurs sérologiques inflammatoires (cytokines proinflammatoires – IL-6, IL-8, TNFalpha – et antiinflammatoire – IL-10). Il est apparu que les sujets entraînés à la MWH et pratiquant la technique respiratoire lors de l’expérience i) ont moins de symptômes de type grippal, ii) produisent une plus grande quantité d’adrénaline, iii) une plus grande quantité de cytokine antiinflammatoire IL-10, iv) une quantité moindre de cytokines proinflammatoires IL-6, IL-8 et TNFalpha. Ainsi, ces données montraient pour la première fois qu’une pratique réalisée consciemment pouvait moduler le système nerveux autonome et atténuer le système immunitaire inné, deux systèmes classiquement décrits comme hors du contrôle de la conscience. En outre, ces résultats encourageants avaient amené les chercheurs à proposer que la pratique de la MWH pourrait offrir un soutien aux personnes souffrant de maladies autoimmunes en faisant diminuer l’inflammation.

La suite de ces travaux se trouve donc dans cette nouvelle étude (Zwaag et al., 2022). Contrairement à l’évaluation des effets d’un traitement tel qu’un médicament avec un seul principe actif, comprendre les effets d’une pratique telle que la MWH est difficile. Il y a toute une série de paramètres en jeu (instructeur et « effet gourou », temps d’instruction, froid, respiration, état d’esprit). Pour étudier ces pratiques complexes, on ne peut pas mettre en place d’essai clinique en double aveugle randomisé. Mais la présente étude vient néanmoins confirmer et éclaircir certaines données.

Et alors, quoi de neuf ?

Tout d’abord, le fait que la présence de Wim Hof ne soit pas nécessaire pour reproduire les résultats de 2014 peut sembler un détail. Mais c’est très important. En effet, pour comprendre le fonctionnement de pratique telle que la MWH, il peut être très difficile de différencier les contributions respectives des composantes placebo et physiologique. Notamment, il est important de confirmer que les pratiques induisent des effets quelque soit la personne qui les enseigne. Un personnage charismatique comme Wim Hof pourrait induire une réponse différente d’un instructeur moins célèbre par exemple. C’est « l’effet gourou ». Autrement dit, il faut vérifier si les techniques fonctionnent en tant que techniques ou s’il y a autre chose. Cette partie de l’étude s’est focalisée sur la production d’adrénaline, car cela serait la base d’une cascade anti-inflammatoire. La conclusion est que la production d’adrénaline par la pratique de la MWH est non seulement reproductible mais en outre sans la présence de Wim Hof. Donc, les techniques semblent fonctionner en tant que telles. Cela signifie que la pratique peut être enseigner à grande échelle. Et qui dit résultats reproductibles et applicables à grande échelle, dit possibilité de mettre en place un véritable essai clinique d’envergure. Cela permettra de conclure sur l’efficacité de cette pratique sur l’inflammation aigüe à l’échelle d’une population représentative de la société dans son ensemble. Rappelons en effet, que les études faites jusqu’à présent n’ont été faites que sur des jeunes hommes en bonne santé.

Mais ça n’est pas tout…

L’autre point principal de cette étude était de tenter de comprendre les rôles respectifs du froid et de la respiration contre l’inflammation aigüe. Les amateurs de la MWH auront noté la présence de seulement deux des trois piliers de la méthode. Le troisième, l’état d’esprit, a été volontairement écarté car cela aurait sérieusement compliqué le protocole expérimental. Ainsi, une dizaine de sujets ont été entraînés à l’exposition au froid, une autre dizaine à la technique respiratoire, une autre aux deux pratiques, et une dernière dizaine n’a été formée… à rien ! Il s’agit du groupe témoin. Le jour de l’expérience, tous ces jeunes gens ont reçu par injection la même quantité d’endotoxine. Les sujets ayant été entraînés à la technique respiratoire l’ont pratiquée lors de cette expérimentation, tandis que les autres ne faisaient rien de spécial. Pendant l’expérience, les chercheurs ont surveillé la réaction des sujets : symptômes de type grippal (mal de tête, nausée, mal de dos, fièvre…) et marqueurs sérologiques d’inflammation (cytokines pro- et anti-inflammatoires). On notera qu’un plus grand nombre de ces marqueurs ont été dosés au cours de cette expérience que lors des précédentes études, à savoir TNFalpha, IL-10, IP-10, MCP1, MIP1a, MIP1b IL-6 and IL-8

La trouvaille principale de cette partie de l’étude est que la pratique respiratoire est la principale responsable de la réponse anti-inflammatoire. On observe en effet une baisse des cytokines pro-inflammatoires chez tous les sujets pratiquant la techniques respiratoire (associé à l’entraînement ou non). On n’observe pas cette diminution chez les sujets entrainés uniquement à l’exposition au froid, ni bien sûr chez le groupe témoin. En revanche, il est très intéressant que de montrer que l’association des entraînements froid + respiration apporte une baisse de l’inflammation encore plus importante : l’entraînement à l’exposition au froid semble renforcer l’effet de la technique respiratoire sur la baisse de l’inflammation.

Mais l’intérêt de l’entraînement à l’exposition au froid ne s’arrête pas là. En effet, si cet entraînement seul semble assez peu impacté la réponse inflammatoire, il semble en revanche être important pour atténuer la force des symptômes de type grippal. La technique respiratoire seule en revanche a peu d’effet sur ces derniers.

Au final, cette étude montre que les entraînements à l’exposition au froid et la technique respiratoire agissent à la fois indépendamment, respectivement sur les symptômes de type grippal et l’inflammation. Du reste, ils agissent également de concert car l’entraînement à l’exposition au froid renforce les bénéfices de la techniques respiratoires.

Pour celles et ceux qui veulent aller plus loin :

À propos de l’absence des femmes dans les cohortes d’étude. Cette piètre diversité de sujets peut sembler étrange à première vue mais c’est assez typique – hélas – de ces pré-études cliniques réalisées sur peu de sujets. En effet, si une intervention provoque un changement, on le discerne car on a un signal qui « sort du bruit de fond ». Ce bruit de fond, c’est (en gros) l’état physiologique des sujets sans intervention. Donc, on veut un bruit de fond le plus « lisse » possible afin d’augmenter ces chances de percevoir un éventuel changement d’état physiologique. Pour avoir un bruit de fond faible, on a besoin de sujets les plus similaires possibles génétiquement et physiologiquement. Donc typiquement, ces sujets seront de même sexe, même tranche d’âge, même état de santé. Il y a donc des raisons rationnelles derrière cette façon de faire. Cependant, il faut admettre que ces pré-études à petites cohortes ont tendance à accumuler les données, et donc de favoriser les connaissances, sur un groupe particulier (en l’occurrence, les jeunes hommes blancs en bonne santé) au détriment d’autres groupes, en premier lieu les femmes. De plus en plus d’instituts de recherche tentent d’améliorer cette situation. À surveiller donc.

À propos de l’adrénaline. Il n’aura pas échappé aux yeux attentifs que le taux d’adrénaline au début d’expérience est différent entre les études de 2014 et 2022. Dans l’étude de 2014, le taux d’adrénaline chez les participants est déjà très haut alors qu’ils n’ont pas encore commencé ni les exercices respiratoires, ni les injections d’endotoxine. D’après l’un des principaux auteurs de ces études, il semble qu’il régnait une ambiance beaucoup plus « intense » lors de l’étude de 2014 que celle de 2022. Cette excitation générale a pu provoquer cette différence. D’après les auteurs de ces études, l’adrénaline est le point de départ d’une cascade anti-inflammatoire, en permettant l’élévation de la cytokine anti-inflammatoire IL-10 et enfin la diminution des cytokines pro-inflammatoires. Entre les deux études, les tendances sont les mêmes mais les amplitudes sont différentes. Peut-être que l’excitation générale de la première étude a permis une réponse de plus grande amplitude par une production accrue d’adrénaline.

À propos des rétentions du souffle. Les études de 2014 et 2022 ont testé les deux mêmes techniques respiratoires, connues par les pratiquants de la MWH comme la technique de base et la technique du Power Breathing. La différence principale entre les deux est que la première utilise une longue rétention du souffle aboutissant à une phase d’hypoxie. L’étude de 2022 montre bien que les deux techniques permettent une élévation similaire du taux d’adrénaline, et donc a priori une réponse anti-inflammatoire similaire. Cependant, les auteurs avaient montré lors d’une étude précédente que les courtes phases d’hypoxie intermittentes peuvent induire une réponse anti-inflammatoire indépendante de la réponse liée à l’adrénaline (Kiers et al, 2018). On peut alors supposer que la technique respiratoire de base, avec rétention du souffle, permettrait d’induire une double réponse anti-inflammatoire : via l’adrénaline et via l’adénosine.

Point Info

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🔥❄️🧠✌️

Sébastien.

Références :

Kiers D, Wielockx B, Peters E, van Eijk LT, Gerretsen J, John A, Janssen E, Groeneveld R, Peters M, Damen L, Meneses AM, Krüger A, Langereis JD, Zomer AL, Blackburn MR, Joosten LA, Netea MG, Riksen NP, van der Hoeven JG, Scheffer GJ, Eltzschig HK, Pickkers P, Kox M. Short-Term Hypoxia Dampens Inflammation in vivo via Enhanced Adenosine Release and Adenosine 2B Receptor Stimulation. EBioMedicine. 2018 Jul;33:144-156. doi: 10.1016/j.ebiom.2018.06.021. Epub 2018 Jul 4. PMID: 29983349; PMCID: PMC6085583.

Kox M, Stoffels M, Smeekens SP, van Alfen N, Gomes M, Eijsvogels TM, Hopman MT, van der Hoeven JG, Netea MG, Pickkers P. The influence of concentration/meditation on autonomic nervous system activity and the innate immune response: a case study. Psychosom Med. 2012 Jun;74(5):489-94. doi: 10.1097/PSY.0b013e3182583c6d. PMID: 22685240.

Kox M, van Eijk LT, Zwaag J, van den Wildenberg J, Sweep FC, van der Hoeven JG, Pickkers P. Voluntary activation of the sympathetic nervous system and attenuation of the innate immune response in humans. Proc Natl Acad Sci U S A. 2014 May 20;111(20):7379-84. doi: 10.1073/pnas.1322174111. Epub 2014 May 5. PMID: 24799686; PMCID: PMC4034215.

Zwaag J, Naaktgeboren R, van Herwaarden AE, Pickkers P, Kox M. The effects of cold exposure training and a breathing exercise on the inflammatory response in humans: A pilot study. Psychosom Med. 2022 Feb 23. doi: 10.1097/PSY.0000000000001065. Epub ahead of print. PMID: 35213875.

Sébastien Zappa, PhD

Maître Instructeur Oxygen Advantage
Moniteur REBO2T
Instructeur Méthode Wim Hof – niveau 2
Praticien ELDOA – niveau 2
Geek de la respiration et du froid, Homo cryopulmosapiens..

Heureux de vous coacher depuis 2018

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